Le 8 octobre 2024, le cinéma l’OMNIA de Rouen a proposé une séance spéciale « Me Too dans le cinéma français ». Judith Godrèche était leur invitée exceptionnelle. Depuis sa prise de parole début 2024 et son discours lors de la cérémonie des Césars, l’actrice et réalisatrice poursuit sa lutte pour la libération de la parole dans le cinéma. Ce soir là, elle présentait son court-métrage intitulé « MOI AUSSI » à travers lequel elle met en lumière des femmes victimes de violences sexuelles.
Ce film était suivi de la projection en avant-première du long-métrage de Noémie Merlant, « LES FEMMES AU BALCON », véritable plébiscite pour la liberté des femmes.

Ce soir là, j’ai donc conjugué une passion et ma vie professionnelle. Les deux films étaient très représentatifs des combats qui restent encore à mener contre les violences sexistes et sexuelles.
A l’heure de la rédaction de ces lignes se tient encore le procès des viols de Mazan devant la Cour Criminelle du Vaucluse, qui, quelque soit son issue, sera sans aucun doute emblématique de cette lutte.
Le film de Noémie Merlant contient notamment une scène de viol conjugal, qui illustre parfaitement la problématique du consentement, et qui fait écho aux débats judiciaires en cours.
Dans le cadre des dossiers que je traite, il est souvent question des notions de consentement de la victime, et de l’intention de l’auteur.
Les récents propos d’Irène Thery, sociologue du droit, me semblent résumer parfaitement ce sujet :
» Non, le viol en général, ce n’est pas celui du violeur sadique ou pervers qui a préparé son geste – par exemple en prenant sa cordelette et en suivant une femme, comme le violeur de la Sambre – c’est un « viol d’opportunité », soit que l’occasion ai fait le larron, soit que l’auteur exploite une situation relationnelle inégale.
[…]
En affirmant qu’il n’y a pas viol si l’auteur ne « voulait pas » violer, on fait comme si l’intention était une sorte de sentiment intérieur ineffable. Mais l’intention en droit, c’est la conscience de l’acte. De quel acte s’agit il ? D’un viol. Or, le viol, c’est un crime relationnel. Il consiste à imposer un certain type d’acte sexuel à autrui « par violence, contrainte, menace ou surprise ». Ce n’est pas un crime qu’on pourrait ramener à un « ressenti » de l’auteur, comme si le rapport à l’autre pouvait compter pour rien. […] Il n’est pas acceptable en France, aujourd’hui, de prétendre tranquillement qu’on peut « présumer le consentement » d’une femme ! »
(Entretien avec Irène Théry, Le Nouvel Obs, N°3134, 17/10/2024)
Le hasard a voulu que cet été précisément, je lise le livre « Sambre – Radioscopie d’un fait divers » d’Alice Géraud (éd, JC Lattès, 11.01.2023). Le dysfonctionnement des institutions, à tous les stades du parcours des victimes, a permis la perpétuation de viols et agressions sexuelles par le même auteur durant plus de 30 ans, dans un périmètre très restreint, et toujours selon des modes opératoires similaires.
Ce retour dans le passé (même si le procès du violeur de la Sambre s’est tenu en 2018), permet de mesurer qu’aujourd’hui, même si le chemin est encore long, la parole des victimes est davantage entendue et recueillie.
Mais pour autant, une fois cette étape passée, c’est l’étude de leur consentement qui est au centre des débats. Par facilité, il est tentant d’évacuer complétement cette question : ainsi par exemple le délit d’atteinte sexuelle sur mineur, dont le texte d’incrimination a été modifié en 2018 et 2021, pour prévoir désormais que « Hors les cas de viol ou d’agression sexuelle […] le fait, pour un majeur, d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » L’atteinte sexuelle sur mineur se définit donc en opposition au viol et à toute autre agression sexuelle, et contrairement à ces infractions, elle ne requiert pas, pour être constituée, de relever une absence de consentement de la victime.
Récemment, j’ai eu à défendre une victime de tels faits, et j’ai pu mesurer à quel point cette qualification juridique n’est pas satisfaisante.
Il est temps que le monde juridique et judiciaire se saisisse de ces questions, et apporte des réponses complètes aux victimes.


